Mardi 11 janvier 2011 : Gare du Nord – Timirist 129.91 km

Ce matin, nous avons été réveillés de bon heure par les bébés qu’on nourrissait mais aussi par le va et vient des passants dans la salle de repos.

Premier évènement :

La meilleur, c’est que plusieurs personnes sont venues prier dont un au pied de la couche d’Alain. Je pense que le vieux sage de la veille lui a fait rencontrer « Dieu » et qu’il lui a envoyé un messager pour le convertir, ce doit être le sort qu’il lui a jeté quand on s’est quitté, car il bougonnait en partant !

J’étais morte de rire de voir ce grand gaillard, vénérait Alain, lui faire toutes sortes de bénédictions, de signes et lui qui dormait, enfin, cela l’a réveillé au bout d’un moment.

Deuxième évènement :

Les toilettes étaient tellement ragoutantes d’après Alain, que je n’osais y aller, je me suis ravisée en me disant que celles des femmes sont peut être plus propres que celles des hommes. Les premières n’ont pas de portes, les deuxièmes sont à peu près acceptables. Je mets les pieds sur le support WC turc, ho la la ! Le système bouge, j’ai l’impression de descendre dans la fosse. Le bidule ne repose sur rien, quel effet…. Eh, oui, c’est l’Afrique !

Un petit déjeuner rapide, rapide et nous quittons la gare du nord sans payer notre dette, bien sûr. Pourquoi aurions-nous été taxés alors que la salle est à disposition des voyageurs mise à disposition par Total en plus ?

Troisième évènement, le meilleur, le vent est avec nous, pour nous.

Dés le départ, nous montons la vitesse entre 22 et 25 à l’heure, nous ferons 60 km dans ces conditions très à l’aise. Non seulement, nous pédalons d’un bon rythme, mais le paysage est exceptionnel sous le lever de soleil. Les couleurs mais aussi les paysages. Si je cherche les adjectifs pour qualifier tout ce qui a fait monter l’émotion en moi, je dirai des vues sublimes, des couleurs chaudes, des dunes majestueuses et imposantes comme on en voit dans les revues touristiques.

La journée d’hier nous a épuisé, celle d’aujourd’hui, nous fait revivre. Nous avions l’angoisse, personne n’avait pu nous donner des renseignements concrets sur ce que nous allions trouver en nourriture, relief ou autres sur l’étape de ce jour. Je savais seulement qu’il pouvait y avoir un dénivelé de 650 m donc d’énormes montées. Des montées, certes, il y en a, mais elles se passent bien. Elles sont annoncées à 10 %, je pense que les ponts et chaussés mauritaniens ont commandés une série de panneaux montée à 10 %, mais qu’elles sont seulement de l’ordre de 4 à 6 %. Comme dirait Gérard, derrière les montées, il y a les descentes. Quand je glisse au milieu de ces dunes grandioses, que l’air me caresse le corps, que les yeux sont remplis de cette lumière matinale, que tu te dis, cette fois, j’y suis mon rêve s’accomplit, c’est tout ce que j’imaginais, c’est ce que je voulais vivre, c’est tout simplement le bonheur.

En plus, nous faisons des rencontres aussi charmantes que ne l’est le paysage. La première, alors que nous faisons une pose boisson, c’est un monsieur en retraite, survêtement, baskets qui fait sa promenade du matin. Il nous parle du pays, nous questionne sur le voyage, s’interroge sur beaucoup de choses à notre niveau, il nous rassure sur les évènements du désert, la région que l’on traverse n’est pas concernée, on le sait mais on aime que l‘on nous le répète, nous avons tellement entendu de « conneries » à ce niveau que c’est réconfortant. Alain voudrait goûter au lait de chameau, il nous dit que l‘on doit en trouver sur la route.

Ce sera la deuxième rencontre de la matinée, justement, une famille vend du lait sous une tente. Je propose un nouvel arrêt, le problème avec les locaux, c’est qu’il y a tout un cérémonial à respecter, et qu’il faut passer par différentes étapes pour les aborder. Déjà, je dois aller m’asseoir à côté de la femme au fond de la tente. Quand on explique ce que l’on veut, il nous taxe le litre à 3000 ouguiyas, dés fois que cela marche. On baisse jusque mille, mais c’est encore cher pour du lait.

En cadeau, on remet à Alain un verre d’une sorte de yaourt sucré fait avec ce lait. Il dit que c’est excellent.

Il y a un moment d’échange fort même si on essaie de profiter de nous. Après le lait la femme veut me vendre un collier tout à fait quelconque : 3000 ouguiyas également. C’est difficile de leur faire comprendre que nous ne sommes pas des touristes comme les autres. Je propose de les photographier mais il faudrait encore payer. J’explique ma démarche, je leur dit que l‘on vient de partager un temps fort de l’amitié et que je veux le sceller à travers la photo. Un monsieur comprend fort bien, il me dit puisqu’ils sont bêtes : « Photographies moi avec ma fille ». Je m’exécute. Je lui propose de lui envoyer la photo s’il me donne une adresse pour lui faire parvenir. Il part chez lui et revient avec tout un dossier. En fait, on découvre qu’il fut guide officiel du Paris Dakar, qu’il est aussi guide du banc d’Arguin. C’est un monsieur très cultivé, un homme du désert comme on les imagine, noble, penseur, et très humble. On doit abréger, mais je prends quand même ses coordonnées téléphoniques, si parmi vous qui me lisez et si vous voulez un jour visiter cette région, approfondir la nature de ce parc national, j’ai une bonne adresse.

Nous mangerons à l’ombre d’une ancienne épicerie aux abords d’un petit village. Un monsieur vient nous voir dés notre arrivée, mais on ne comprend rien à ce qu’il veut nous dire. Il est habillé bizarrement.  Il a l’air du « bon sauvage » si on fait référence à Montaigne. Il part comme il est venu, je respire. Il nous faut des temps de repos où on peut souffler pour de vrai. Non pas que l’on fuit les autochtones mais on a besoin à un moment d’être seuls, de n’avoir rien à dire, rien à penser.

Notre repas est encore réduit au maximum : sandwich thon, heureusement, je traîne une boite de maïs depuis la fin de l’Espagne.  Amina nous en avait donné deux autres. On les apprécie, on aurait un œuf dur à ajoute,r ce serait encore mieux ! Mais, il ne doit plus y avoir de poules dans la région, car pas d’œufs nulle part.

Je mangerai en dessert, la dernière pâte de fruit coing que Jean Paul m’avait envoyée.

Petite sieste et c’est reparti dans ces paysages sublimes.

Rouler  dans le désert de Mauritanie, c’est un peu une quête de l’absolu, là, je suis dans ce  défi personnel que j’attendais. Parcours spirituel intérieur où chaque kilomètre parcouru à des travers  les dunes de sable rapproche de la connaissance de soi. Que dire de plus…

J’essaie de prendre des photos qui complètent mes émotions, qui décrivent les décors traversés, ou les personnes rencontrées, celles de ce jour ne sont pas conformes à la réalité vécue. Il y a des moments, il faut savoir garder cette émotion en mémoire. Ne rien faire. J’ai pour exemple, cette carte postale sur ciel déjà couchant de quelques chameaux en haut d’une dune. Je l’ai ratée. Carte mémoire pleine. Une photo se prend au dixième de seconde…

Je crois que c’est la plus belle journée depuis le début.  Nous roulons dans un plaisir immense du début jusqu’à la fin de l’étape, même si les derniers kilomètres sont difficiles à atteindre. Nous arrivons à un point où nous virons à droite pour regagner le bord de mer. Nous devrons encore effectuer une bonne dizaine de kilomètres pour atteindre le poste de police du village tant attendu où nous devons nous poser. Nous espérions trouver un petit ravitaillement : rien. Que du poisson séché. Ils sont pendus aux fils devant toutes les maisons. On vend aussi de l’huile de poisson.

Nous installons nos tentes derrière la boutique située juste à côté du poste de police. Nous pensons être bien gardés la nuit. Nous sommes bien, plus qu’une journée et nous seront libérés de l’angoisse de la traversée, même si elle est inconsciente. Elle est présente.

Tellement bien que nous sautons en l’air quand un coup de fusil éclate. Les chiens courent de partout et hurlent, on se demande ce qui se passe. Un deuxième coup, un chien tombe. On n’ose pas y croire, eh bien si il vient de tirer sur l’un d’entre eux. Nous sommes paralysés, tétanisés. Le chien n’est pas mort, il va agoniser toute la nuit sans qu’ils ne l’achèvent.

Je me couche tôt après avoir ingurgité un bol de lait chocolat, tartines, je n’ai pas envie d’un nouveau sandwich sardines. Alain a opté pour un plat de spaghettis de la gendarmerie. Il ne le recevra que vers les 22 ou 23 heures…

J’ai du mal de trouver le sommeil, on réserve un drôle de sort aux chiens au Maroc comme en Mauritanie. Je ne rentrerai pas dans les détails. La SPA, si elle existe dans ces pays a du boulot à faire. En plus, comme c’est le contrôle de police, tous les véhicules sont arrêtés. Il y a donc un bruit incessant.

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