Cette fois, c’est la bonne, petite nuit comme je disais, départ du Sahara en taxi, nous sommes à l’heure.
Heureusement que le taxi connaît la gare routière car, ce n’était pas évident d’aller à cet endroit pour la trouver. C’est à l’extrémité de la ville, en direction, d’Atar, justement. Nous sommes les deux seuls européens au milieu des locaux. Chance, la Mauritanie n’est pas le Sénégal. Nous ne voyageons pas au milieu des chèvres ou des seaux de poissons.
C’est un nouveau grand jour qui se prépare. Ce voyage en Adrar n’est pas anodin. Découvrir l’Adrar, c’est s’imprégner du « vrai désert », ce jardin d’Allah duquel le Dieu a enlevé toute vie humaine ou animal superflue de façon à pouvoir disposer d’un lieu où il puisse cheminer en paix. (Dicton arabe)
Dés la sortie de Nouakchott, nous sommes sur une longue route assez monotone qui longe des cordons dunaires. Ils sont loin de la vue, nous les distinguons à peine. Seuls quelques troupeaux de chameaux égayent le paysage. La terre n’y est pas fertile. Dommage, car sur ces longues étendues, des vergers pourraient alimenter en fruits tout le pays. A un moment donné, tout de même le sol n’a plus le même aspect. Là, la terre, pourrait donner. Des projets seraient à l’étude, il faut des fonds et que des ONG s’y intéressent.
A 130 km, les premiers guelbs apparaissent. Pose dans la ville d’Akjoujt. J’aime ces poses, il y a toute une effervescence qui s’installe.
Deux grandes collines à l’ouest de la ville rappellent les mines de cuivres. Elles ont été fermées, ré-ouvertes, fermées à nouveau, et actuellement seraient exploitées par des sociétés australiennes dans le cadre de l’exploitation d’or.
Quelques kilomètres encore et la montagne surgit d’un seul coup, une montagne noire tout en granite. On passe du niveau de la mer à 200 mètres d’altitude. Nous franchissons le col d’Amatil. On traverse également un joli petit village : Ain Taya. La végétation s’estompe de plus en plus. Pourtant, cette année les pluies ont été si intenses que le désert n’est pas tout à fait le désert. C’est un désert vert.
Quelques maisons en banco apparaissent. Atar approche. La plupart des habitations sont construites à partir des matériaux locaux argile et pierres.
J’ai changé de place dans le bus, je suis dorénavant à une fenêtre, j’ouvre grand mes yeux. C’est tout simplement beau, la vue change à chaque virage. La route est goudronnée, les chinois sont encore passés par là. Nous arrivons bientôt à Atar, capitale de l’Adrar. Cette ville, c’est la plaque tournante du tourisme régional. C’était, car nous arrivons dans une ville complètement vide de tout touriste.
Amhed, le guide nous attend à la descente du bus. Il me fait un petit signe auquel je ne connecte pas. Il est jeune, la quarantaine environ. J’attendais un guide de la soixantaine étant donné que tous ceux que j’ai déjà rencontrés ont à peu près cet âge là. Pardonne-moi Amhed ! Tout l’honneur est pour toi.
Aussitôt arrivés, aussitôt pris en charge. Tout est organisé. Nous arrivons dans une habitation pour y pendre le repas. Nous rencontrons d’autres guides qui expriment eux aussi leurs problèmes : la fuite du tourisme, la fermeture des auberges, le licenciement du personnel. Que faire ? Que dire ? Sinon compatir, dire que nous n’avons pas suivi les consignes puisque nous sommes là. Ils sont tous au courant de l’émission d’Envoyé Spécial. Pour ce gens, c’est comme une insulte à leur pays. Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive alors que la vie, ici, est si tranquille.
Problèmes d’intendance réglés, Ahmed part faire les courses, nous, petite sieste. Il revient rapidement. Puis, c’est le départ vers le village nomade proche de Chinghetti. Nous partons dans une Mercédès qui roule à fond la caisse sur la piste pour surpasser les trous.
Nous roulons désormais dans la montagne, au milieu de paysages superbes. C’est un site remarquable. La montagne y est encaissée. Les seuls passages s’appellent par exemple : passe de Nouatil. C’est pour cela que d’après eux, le banditisme ne peut exister étant donné qu’il faut forcément passer par ces points et qu’ils sont gardés par les gendarmes.
C’est l’inconnu total mais nous faisons confiance à ce guide qui a l’air bien organisé. Je connais un peu le milieu nomade de par les Peuls Sénégalais. Je n’ai pas trop envie de partager ce mode de vie, je ne l’avais pas prévu. Il me manque trop de choses pour que ce soit acceptable mais c’est le souhait d’Alain, il faut qu’il s’y retrouve lui aussi.
Nous abordons ces gens au retour de leur troupeau de chèvres, nous sommes bien sûr les bienvenus. A peine descendus de voiture et la cérémonie du thé est en marche. Le lait de chèvre suit et enfin un grand repas couscous est servi. C’est bon. Plusieurs femmes s’activent.
Le repas terminé, on assiste chez les voisins à une soirée chant traditionnel. Mais je suis morte de fatigue, je m’endors pendant les chants, j’ai honte mais je ne peux m’en empêcher. Il faut que je dise que je fais une allergie aux moustiques. J’ai une poussée d’urticaire. J’ai un œdème à chaque jambe.
Je comprends que la plupart des chants sont des parades amoureuses. Ce n’est pas que la légende qui le dit. Il se passe des choses parmi les membres présents que je n’identifierai pas. Cela rit, cela danse. C’est un vrai spectacle poétique sous la tente nomade.
On dort sous la khaïma au milieu de toute la famille. Nuit horrible pour moi, j’ai l’impression que mes jambes n’existent plus et en même temps, je suis prise de démangeaisons indescriptibles.
Mardi 18 :
Nous passons la journée dans ce village au milieu des bêtes et des quelques familles qui ont choisi le nomadisme pour survivre à leurs besoins. Ils viennent dans ce lieu le temps de l’hiver pour faire paitre leurs bêtes. Ils repartiront l’été revenu.
Quelques enfants pétillants de malice égayent la communauté. Je fais des photos de toutes ces personnes. Je le leur enverrai.
Les chevreaux gambadent de pierre en pierre. Ils sont attachés matin et soir au moment du départ et du retour du troupeau. Les chèvres, le matin ont du mal à abandonner les petits, le soir, elles les retrouvent sans problème et peuvent ainsi être traites.
Je passe une partie du temps allongée pour éviter l’œdème. Je me pommade les jambes toutes les deux heures, c’est horrible. A un moment, j’ai même pensé retourner à Nouakchott.
Ahmed est parti à Chinghetti pour la journée, la ministre de la culture, de la jeunesse et des sports vient rencontrer le milieu pour organiser le festival nomade de Chinghetti le 16 février. Il est un peu le porte parole de l’association des guides de l’Adrar. Il ne rentrera que tard le soir. Il me rapporte des médicaments qui devraient me soulager.
Meddy nous montre ses talents culinaires. Il nous fait un plat de spaghettis cuits à point. Le soir couscous, les graines sont fabriquées par les femmes de manière artisanale. Nouvelle séance de chants mais je me coucherai, trop fatiguée. En plus, je viens de me faire poser du henné sur les pieds pour réduire les écarts de couleur dû au bronzage.